mardi 10 juillet 2018

épisode 111 : L'article 13

L'été, les beaux jours, les vacances, la coupe du monde (du curling, j'ai cru entendre ? non, c'est pas ça ?)... Le bon moment pour les instances dirigeantes pour prendre des décisions qui pourraient s'avérer controversées. Tout le monde est occupé, les médias généralistes ont tous le nez dans le prochain match de pétanque (toujours pas ?), et il devient difficile de trouver de l'information, même sur le net.

Mais au tout début juillet, je suis tombé sur le projet européen d'encadrement du droit d'auteur; et son gentil article 13. Merci au SadPanda (allez le voir, il a la meilleure émission de vulgarisation française avec ses tutoriels), c'est en regardant l'un de ses PandaTalkShow que j'ai découvert ça. Franchement, y a des trucs à côté desquels on ne peut pas passer même si on le veut (oui, encore une fois, la pelote basque), mais cet article 13, c'était plutôt facile.



L'article 13 a été rejeté le 5 juillet. Repoussé serait plus juste. Pour septembre 2018.

Voyons un peu ce dont il s’agit à propos de cet article 13 de la directive européenne Copyright :

D’abord, il y a la directive eCommerce de 2001: les divers hébergeurs sur le net ne sont pas responsables des contenus qu’ils hébergent, légaux ou non, à condition de ne pas les avoir ajoutés eux-mêmes, de ne pas être au courant de leur contenu (vu la masse de données, aucun hébergeur n’est réellement au courant de tout ce qu’il propose) et de réagir rapidement quand on lui signale un contenu illicite. Oui, c’est assez flou, et ça permet à nos sites préférés de DDL de continuer à fonctionner (Herr Dotcom, il fallait éviter de se gaver de pognon illégal sans même faire semblant de retirer les fichiers piratés de MegaUpload); mais ça permet aussi à tout un chacun, dont moi par exemple, de publier ce genre de blog.

Et ça dure depuis le début des années 2000, Google, Facebook et toutes les entreprises du secteur ne regardent pas trop ce qu’on y poste, à condition que cela ne semble pas clairement piraté ni trop mauvais pour leur image. Mais au fur et à mesure, ils finissent quand même par censurer de plus en plus, de façon plus ou moins discrète.

En 2016, l’Europe a commencé à mettre sur pied un texte pour responsabiliser les gros hébergeurs; qui devraient passer des accords avec tous les ayants droits qu’ils diffuseraient pour leur reverser des revenus, ou alors complètement bannir tous les contenus impliquant ces ayants droits. Et en plus, cela pourrait se faire de façon automatisée… Si je ne suis pas forcément opposé à l'idée de mettre un peu de responsabilité sur les géants du net, sur la forme, les premiers à en pâtir, ce ne seraient clairement pas eux.

Imaginez un peu: sur ce blog, il est rare de ne pas trouver un article sans une illustration, ou une vidéo Youtube. Je n’ai évidemment aucun droit de les publier… Mais pensez plutôt aux vrais créateurs, sur le net, qui font des parodies, des reviews, des let’s play, des fan-arts…. Pouf, censurés ! Exit les critiques de films avec une quelconque image, même un extrait de la bande annonce, exit les fan-films… On regardera quoi sur Youtube ? D’ailleurs, est-ce qu’il y aura encore des contenus originaux, qualitatifs et indépendants ? On devrait se rabattre sur la télé ? (ou sur les chaînes faussement indépendantes de Youtube qui sont en fait financées par la télé…). Mais pour Youtube, si la télé finance, ils s'en foutent, nous non.

Et oui, les gifs, mèmes et autres détournements en tous genre ne pourraient plus être hébergés ou diffusés. Ça vous semble ridicule ? Mais est-ce vraiment différent de ponctuer une conversation par une référence à un film, en citant un personnage ??




Surtout que vu la tonne de contenu, on serait face à un algorithme, qui aura du mal à détecter le second degré, la parodie, un fan art du vrai visuel sous copyright… L’article 13 proposerait donc un arrêt total de toute création indépendante sur le net… Merci… Peut-être que je noircis un peu le tableau, peut-être…

Voici un petit communiqué en date du 4 juillet 2018 émis par Wikipédia France (l'impact a été moindre en France que dans d'autres pays européens où Wikipédia a simplement été mis hors ligne pendant la journée) :

Chère lectrice, cher lecteur, Le 5 juillet 2018 à 11 h (HAEC, 5 h HAE), le Parlement européen décidera s'il convient d'accélérer l'adoption de la Directive sur le droit d'auteur. Si cette directive est promulguée, elle limitera considérablement la liberté d'Internet. Plutôt que de mettre à jour les lois sur le droit d'auteur en Europe et de promouvoir ainsi la participation de tous dans la société de l'information, cette directive menace la liberté des internautes et instaure des barrières à l'accès au Net en imposant de nouveaux obstacles, de nouveaux filtres et des restrictions. Si la proposition est approuvée, il sera peut-être impossible de partager un article de journal sur les réseaux sociaux ou de le trouver sur un moteur de recherche. Wikipedia elle-même risquerait de fermer.

La proposition a déjà rencontré la forte désapprobation de plus de 70 informaticiens de renom, dont le créateur du Web, Tim Berners-Lee, de 169 professeurs universitaires, de 145 organismes œuvrant dans les domaines des droits de l'homme, de la liberté de la presse, de la recherche scientifique et de l'industrie informatique et, enfin, de la Wikimedia Foundation.


Nous voulons continuer à offrir une encyclopédie libre, ouverte et collaborative avec du contenu vérifiable. Nous demandons donc à tous les membres du Parlement européen de rejeter le texte actuel de la directive et d'ouvrir à nouveau la discussion, en tenant compte des nombreuses propositions des chapitres Wikimedia, à partir de l'abolition des articles 11 et 13, à l'extension de la liberté de panorama à l'ensemble des pays de l'Union européenne et à la protection des œuvres dans le domaine public.


https://meta.wikimedia.org/wiki/SaveYourInternet


La communauté française de Wikipédia et la fondation de Wikimedia



Mes informations viennent de la Quadrature du net, de Wiki, de journaux comme Marianne (avec le point de vue opposé : "Oh mon dieu les GAFAM ont torpillé une gentille loi contre le piratage en la repoussant aux calendes grecques, les vilains...", dans un article qui pointe la théorie du complot de Google et consorts...) ou même Libération à qui je laisse le soin de conclure :

En résumé: la directive n’est pas encore passée devant le Parlement européen et peut encore évoluer (elle l’a déjà fait en Commission). Mais dans l’état actuel des choses, l’article 13 du texte est susceptible de rendre compliqué le partage public de mèmes et de GIF qui ne respectent le droit d’auteur (sur Facebook et Twitter par exemple). Si tous les Etats membres n’autorisent déjà pas le droit de citation ou le droit de parodie, il faut ajouter que, quand bien même ils l’autoriseraient, l’article 13 de la directive sur copyright dans le marché unique numérique va peut-être mener à la création d’outils automatisés potentiellement incapables de faire la différence entre violation du droit d’auteur et exception légale à ce droit. Les défenseurs du texte se veulent plus rassurants, rappelant que des outils de contestation existeront pour les internautes qui voient leurs GIF ou leurs mèmes censurés.


Oui, en pointant les gifs et mèmes, l'utilisateur se pensant "sérieux" ne se dit pas qu'il va être impacté... Enfin bon, bonnes vacances !!

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