mardi 7 décembre 2010

épisode 83: TER Bombay direction Moscou




Le garçon avançait au milieu du wagon avec un air éteint. Sa peau mate contrastait avec celle de la femme d'âge moyen qui le suivait, tirant derrière elle une énorme valise à roulettes. Sûrement sa mère. Le garçon, habillé chaudement à cause du froid semblait vouloir se trouver à cent lieues de ce train et la femme dut le pousser légèrement pour qu'ils accélèrent, suivis par toute une foule désireuse de trouver une place assise dans le wagon.


Les sédatifs ralentissaient le jeune homme et sa ravisseuse pesta intérieurement. Quand ils se seraient installés à leur place dans le train, la somnolence du garçon passerait inaperçue, nombre de gens dormant lors des longs trajets. La femme espérait que le teint mat du jeune garçon ne la ferait pas repérer. Ce teint, il le devait à son père, le Maharadjah de Kapurthala, un riche armateur indien qui était arrivé très récemment en France pour conclure un contrat vital pour son empire.

Infiltrée dans l'entourage du Maharadjah depuis bientôt 6 mois sous la couverture de traductrice, la femme avait planifié avec ses complices l'enlèvement depuis presque 2 ans. Le Maharadjah était descendu avec tout son staff dans un hôtel de la côte d'azur. Son fils avait voulu profiter des fastes de la nuit sur la côte. L'imbécile. Rien n'avait été plus simple que de le droguer lors d'une soirée en discothèque puis de le faire sortir discrètement de la ville.

Les choses s'étaient gâtées au moment de l'accident. La femme devait conduire son "colis" dans le QG de sa bande, dans le nord de la France, le plus loin possible des recherches qui seraient mises en œuvre pour le retrouver. Indemne mais privée de voiture, la femme avait dû improviser. La vitesse était un élément essentiel du plan et elle s'était rabattue sur la sncf. Aucun contact n'était envisageable avec ses complices par téléphone. Le Maharadjah avait le bras long et dès le début de sa fuite, elle s'était débarrassée de son téléphone portable.

Mais c'était sans compter l'efficacité légendaire de la compagnie française en période de neige. Avec ses 2 heures de retard au départ, et sûrement bien plus à l'arrivée, la ravisseuse s'imaginait déjà attendue à l'arrivée par la police locale, ou bien pire, par des sbires à la solde du Maharadjah. Le riche indien ne s'encombrait guère de scrupules et la loi ne l'empêcherait pas de se débarrasser discrètement de celle qui lui avait ôté son fils.




La femme et le garçon passèrent devant deux hommes assis l'un à côté de l'autre, dans le sens de la marche. Tous les deux étaient d'âge moyen mais celui de gauche semblait plus âgé, plus mature que son voisin. Ces deux individus avait des cheveux très courts, quasiment rasés et portaient des bleus de travail qui n'auraient pas dépareillé sur un chantier: poussiéreux et tachés de peinture. L'homme de droite, côté fenêtre ne daigna pas jeter un seul regard au paysage enneigé pendant que le train prenait de la vitesse. Il sortit un lecteur mp3 de sa poche; sembla avertir son collègue qu'il allait écouter de la musique puis se coupa effectivement du monde par le biais de ses écouteurs.



Le train prenait de la vitesse mais l'homme ne l'entendait pas, son attention toute à la voix qui sortait de ses écouteurs. La voix gutturale de l'adjudant-chef Kornakov raisonnait dans ses oreilles. Entendre de nouveau du russe était presque apaisant, même par la voix de Kornakov, craint par tous ses hommes. Plus jeune de 2 ans que son voisin, l'homme aux écouteurs avait besoin d'un dernier point sur la mission. Ils avaient déjà été longuement brieffés sur leur cible mais le plus jeune avait enregistré les ordres détaillés et se les repassait de temps à autre. Pour être sûr de réussir parfaitement disait-il. Parce que les jeunes n'ont aucune mémoire avait l'habitude de répondre son voisin. Plus expérimenté, celui-ci se laissa aller à somnoler.

Chaque rouage de la mission était depuis longtemps imprimé dans sa mémoire. Fisher devait arriver dans 8 jours. Son hôtel particulier aurait une sécurité renforcée. Mais si le côté impromptu de sa visite avait accéléré la réaction du Service, sa sécurité n'avait pas eu autant de temps que d'habitude pour se préparer. Peu importait à notre voyageur pourquoi le Service voulait la peau de Fisher. Les ordres étaient clairs et venaient de très haut. Fisher ne devait en aucun cas quitter Paris autrement que les pieds devant.

Moins rodé, son compagnon se trémoussa sur son siège. Son bleu de travail le dérangeait, il n'était pas habitué à en porter, comme le témoignaient d'ailleurs ses mains, inaptes au travail de chantier. La voix numérique de l'adjudant continuait inlassablement son briefing, chaque détail répété encore et encore...







Y a des jours comme ça, dans le train, on se fait chier (désolé mais il n'y a pas d'autre mot). Le bouquin de côté (sachant qu'on va le lire pour les 5 prochaines heures), ni papier ni crayon à portée de main (à moins de vouloir étaler 20 kilos d'affaires à même le sol du wagon)... Et bien l'observation des gens (il y en a toujours pour avoir une mine patibulaire (mais presque)) fait bien passer le temps, surtout quand on imagine ce que font ou ce que sont réellement nos voisins de voyage.

2 commentaires:

  1. Moi j'aime bien quand tu glande dans le train. Ca fait de la lecture. Toujours agréable.

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  2. Merci ! mais va falloir attendre les vacances de Noël pour que ça recommence :)

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