mardi 17 juillet 2018

épisode 112 : Addendum multimédiartistique

L'autre jour je parlais des modifications qu'un réalisateur ou un dessinateur pouvait effectuer sur son œuvre, une fois celle-ci déjà publiée, diffusée, mise à disposition d'une communauté qui peut déjà se l'être appropriée. Il semblerait bien qu'on ne peut pas impunément toucher à une oeuvre d'art, même si l'on en est le créateur. 

Mais pour autant, ça ne semble pas affecter toutes les "sortes" d'art. Oui, d'après notre encyclopédie en ligne préférée, on retrouve, avec les qualificatifs idoines (premier art, deuxième art...) et plus ou moins dans l'ordre : architecture, sculpture, peinture et dessin, musique, littérature (au sens large), scène (pareil, ça ratisse large), cinéma (le 7ème), puis les "arts médiatiques", la bande dessinée (le 9ème) et enfin le jeu vidéo.

Tiens, justement, comme je suis en train de me balader sur Hyrule pour la première fois, c'est justement le jeu vidéo qui m'intéresse pour commencer cet article.




C'est plutôt joli hein, Breath of the Wild ?


"Pour sûr qu'c'est artistique" le jeu vidéo. Mais contrairement à nombre d'arts précités, ici l'oeuvre n'est pas aussi figée que dans le cinéma ou la sculpture par exemple. Personne ne se plaint d'une mise à jour faite correctement, même s'il ne s'agit que d'un upgrade graphique. Vous vous imaginez la Joconde mise à jour pour avoir une texture de peau en 4K? MaJ, Patches, DLCs, Extensions... un même titre va pouvoir offrir une expérience totalement différente à chaque joueur (sans parler du ressenti subjectif de chacun bien sûr), et même une expérience qui va évoluer au fur à mesure de la vie du jeu.

Il y a d'autres formes d'art qui offrent un peu ce genre d'"expérience"; comme le théâtre par exemple. D'une représentation à l'autre, selon la salle, la logistique, la fatigue des acteurs... et bien sûr d'un metteur en scène à un autre, l'expérience change pour le spectateur. La substantifique moelle reste la même mais le côté cosmétique évolue sans cesse. D'ailleurs on voit même des représentations de théâtre classique adaptés dans un décor et avec des costumes modernes. Pour autant personne n'a jamais essayé de remettre au goût du jour les costumes sur un tableau ou dans un film (en 4K, et en survêt' la Mona Lisa). Parce que à part un nettoyage de l'image pour s'adapter à la haute résolution, le moindre changement visuel dans un film déclenchera des levers de bouclier (ou des conneries de la part des rageux de l'épisode 109). Pauvre George qui voulait déployer un patch graphique pour virer certains bugs...


Alors pourquoi le jeu vidéo ne subit-il pas les critiques de puristes qui voudraient continuer à jouer en 400x600 aux vieux jeux qui ressortent en HD, ou qui refuseraient tout patch pour éviter un bug graphique ou scénaristique ? Oui, je vous en pose de ces questions... J'avais ça en tête l'autre jour en écrivant sur Don Rosa et George Lucas. Mais d'ailleurs, ça soulevait aussi le problème des traductions diverses.

Don Rosa avait modifié la version française de ses histoires pour y réintroduire dans certains cas la vraie traduction quand certains traducteurs avaient adapté voire carrément modifié son texte au profit d'une version qu'ils préféraient. Évacuons immédiatement les mauvaises traductions de Star Wars : je n'en parlerai pas plus parce que les exemples/articles/top10 pullulent sur la toile. Il convient néanmoins de noter que notre cher George n'a pas modifié les noms existant dans la VF alors que la trilogie classique a été traduite au bulldozer...


Au bulldozer, on vous dit, ma p'tite dame !
Puisqu'on vous dit que C-3PO ça s'prononce "sispéo" !



L'exemple que j'ai en tête immédiatement en terme de (re)traduction, c'est l'oeuvre de Tolkien. A commencer par le Hobbit, le premier à être ressorti en 2012 avec la nouvelle traduction de Daniel Lauzon. Je n'ai pas lu l'intégralité du bouquin retraduit, et le but n'est pas ici de critiquer son travail (ça vous rappelle quelque chose) : c'est un professionnel qui, à n'en pas douter, a fait son travail du mieux possible, et de façon "plus moderne et légère", en s'évertuant "à appliquer les consignes de traduction laissées par J.R.R. Tolkien dans le texte qu'il a adressé aux traducteurs" comme nous explique le site Tolkiendil

La communauté des lecteurs de Tolkien semble adopter un point de vue différent des fans de Star Wars. Comme on peut l'entendre ou le lire lors de l'interview de l'auteur, le but de refaire une traduction (au moins du point de vue du traducteur et des lecteurs) était de moderniser le texte, et de le rendre plus proche du texte original, de la volonté de Tolkien. Parfois même de surprendre le lecteur en s'approchant du sens profond quand la traduction des années 70 avait pu faire des concessions; et retranscrire aussi l'idée que le Hobbit est à la base une oeuvre pour enfants. Pour les détails sur les termes qui ont été modifiés par rapport à l'ancienne traduction, et donc par rapport à la version française des films de Peter Jackson, je vous laisse lire l'interview en entier. 


Il est indéniable que le traducteur a fait un réel travail poussé, motivé par le respect de l'oeuvre, et pour fournir au lecteur un texte plus agréable, au plus proche de l'anglais.  Mais dans ce cas-là, les sites de fans ne semblent pas crier à l'hérésie ou au calcul financier. Elle a l'air bien cette communauté là ! J'ajouterai juste à cette débauche de motivation légitime, celle de l'éditeur. Éditeur qui risquait de perdre l'exclusivité des nouveaux textes et qui ne s'est pas privé de mettre bien en avant "sa" nouvelle traduction, plus fidèle à l'oeuvre de Tolkien. Ecoutez ... Ah non, il ne me semble pas entendre de foule en colère... Décidément, elle est cool cette communauté. Une fois de plus, une question : pourquoi certains choix, faits avec les mêmes motivations, avec au final des résultats que l'on peut qualifier d'équivalents, ne sont pas du tout perçus par les lecteurs/spectateurs/clients de la même manière ? 

De la même manière, toujours avec le même univers, quand Peter Jackson sort les versions longues de ces films (je parle du Seigneur des Anneaux, la faiblesse du Hobbit cinématographique, version longue ou courte est un autre problème qui ne sied pas à cet article), on rachète, s'extasie, sans le vouer aux gémonies. Les versions longues et autres director's cut tant qu'elles n'ont pas derrière elles une communauté fanatisée semblent plutôt bien acceptées (et ne me dites pas que c'est parce que George en a trop fait, sinon, va falloir qu'on cause des 7 ou 8 versions de Blade Runner...).

Je vous laisse avec toutes ces questions sans réponses... et je m'en retourne faire un petit tour sur Hyrule, avant de passer à Nilfgaard, mais ceci est une autre histoire...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire